Le jeu le plus long

Une durée de vie vraiment hors norme

Si 100 ou 200 heures de jeu vous semble long pour finir un bon (J)RPG, alors je doute que vous appréciez celui ci. Car celui dont je veut vous parler à une durée de vie annoncée de 20 ans minimum. Ce jeu s’appelle : Être papa.

Une customisation inexistante

Tout commence bien évidement par la création de l’enfant. Ceux qui n’auraient pas encore testé découvrirons à quel point c’est rapide, puisque aucun paramétrage n’est possible. Impossible par exemple de choisir le sexe, la forme du visage ou la couleur des yeux. Tout, ou presque, sera généré de façon aléatoire. L’amateur de RPG que je suis avait déjà compris qu’il s’était fait avoir quelque part.

L’ambiance sonore

Catastrophique, comme vous vous en doutez. Neuf mois plus tard et au moins pendant les premières années, ca crie et ça hurle à longueur de journée. Ce ne serait pas si dramatique si il était possible de couper le son. Mais les développeurs n’ont semble-ils pas jugé opportun d’ajouter cette possibilité.

Un gameplay ultra répétitif

Même si les taches à réaliser sont assez diverses (faire le biberon, nettoyer le biberon, changer les couches, lire des histoires… Non en fait, c’est vraiment pas varié) et qu’elles évoluent bien sur avec l’age de l’enfant, elles se révéleront toutes extrêmement répétitives. Je vous assure qu’après quelques mois, même les combats des Final Fantasy ou des tactical RPG les plus hardcore vous sembleront infiniment plus enthousiasmant.

Allez, je vous donne juste un exemple. Entre deux et trois ans, l’enfant arrive à un âge ou il demande à tout bout de champs « C’est quoi ça ? ». Dit comme ça, ça ne semble pas si grave hein ? Jusqu’au jour ou devez monter quatre étages, que votre enfant marche sur la première marche, pointe son doigt en direction du sol et demande :

C'est quoi ça ?
Heu... C'est une marche. Une marche de l'escalier.
Ah d'accord !

L'enfant monte une marche supplémentaire, puis montre de nouveau ses pieds
ça c'est quoi ?
Encore une marche, une autre marche de l'escalier

L'enfant monte une marche supplémentaire, puis montre de nouveau ses pieds
C'est quoi ?
C'est encore une marche. Tu vois, tout ça ce sont des marches !

L'enfant monte une marche supplémentaire, puis ...
c'est quoi ?

Arrivé à la cinquième marche, vous vous ferez le serment de ne plus jamais entrer dans un immeuble sans ascenseur.

Un niveau de difficulté bien trop variable

L’une des choses les plus extraordinaire de ce jeu est la courbe du niveau de difficulté. On à déjà vu des jeux vidéos avec des courbes inversées, ou le début du jeu est plus compliqué que la fin. Mais alors des jeux ou le niveau de difficulté change constamment pour varier entre « nourrisson » et « impossible pour un être humain, cauchemardesque pour une divinité», je n’avais encore jamais vu.

La encore, un exemple sera plus parlant. Vous roulez en voiture et allumez l’auto-radio pour mettre les comptines que vous aussi vous allez devoir apprendre par cœur. Concernant le niveau de difficulté donc, je vous laisse juge :

Papa, c'est quoi le bouton la ?
C'est pour régler le volume. 
Ici tu peux mettre le son plus fort, et la, c'est pour diminuer

A peine quelques secondes plus tard, juste le temps d’écouter « au clair de la lune » :

Papa, c'est quoi l'amour de dieu ?

Des récompenses au compte goutte (bouché)

Game désigner, c’est un vrai métier. Un hack and slash dans lequel le moindre gobelin abattu droperait une épée vorpale +20 ou une armure d’invulnérabilité n’aurait certainement pas grand intérêt. A l’inverse, Passer des semaines sans dormir pour ne récolter qu’un bref et hypothétique sourire c’est… je sais pas moi… Disons que tout ceux qui ont passé des heures à explorer chaque recoin des ruines dans Drakensang 2, pour réussir à reconstituer la recette magique et à l’apporter à l’archimage, tout ça pour obtenir la recette des flèches enflammées disponible partout pour 50po comprendront ce que je veux dire.

Petite configuration s’abstenir

Résumons, il n’y a qu’en devenant parent que l’on peut avoir une idée des ressources nécessaires en temps et en énergie pour jouer à « Être papa ». (Et ne croyez pas que la version dérivée « Être maman » soit optimisée, c’est pire).

Le jeu le plus cher du monde

« Être papa » fait parti de ces jeux que l’on ne paye pas au moment de l’installation, mais qui nécessite un abonnement mensuel obligatoire (et bien évidement hors de prix). Je ne vais même pas essayer de faire le total de ce qu’il faut payer chaque mois, tellement le résultat me déprimerait. Et attention, la durée d’engagement n’est pas d’un an ou deux. C’est bien pendant 20 ans que vous allez devoir allonger la monnaie. On peut d’ailleurs vraiment se demander comment un engagement aussi long peut encore être légal en 2012 (sans que cela ne choque qui que ce soit), mais passons.

Pourtant il n’y a pas que du négatif

Il reste un petit quelque chose, assez difficile à expliquer, qui vous pousse à continuer. L’impression que vous seriez triste, malgré tout, de devoir arrêter.

Peut être simplement de la curiosité. La même que celle qui vous pousse à terminer, coûte que coûte, même les jeux les plus mauvais, simplement parce que vous avez déjà tellement passé d’heure dessus qu’il vous semblerait insupportable de ne pas découvrir la fin de l’histoire.

Il y a aussi, c’est vrai, un peu de fierté, lorsque vous constatez qu’a trois ans, et alors qu’il n’a encore jamais mis le pied dans une école, votre enfant sait mieux se servir de son ordinateur* que certains adultes, qu’il connaît parfaitement son alphabet, qu’il commence à savoir compter, et apprend une lange étrangère…

(*) Un P4M à 2Ghz et 512 Mo de RAM qui fait merveilleusement fonctionner Qimo.

Notes :

Je n’ai jamais forcé ma fille à apprendre quoi que ce soit. Un enfant n’apprend que ce qu’il à envie d’apprendre. Je suis informaticien, pas pédiatre, et mes conseils ne valent donc pas grand chose. Pourtant je suis assez sur de moi sur un point. Faites l’effort de vraiment répondre à ses questions, et ne mentez pas. Oui, il peut être nécessaire de simplifier. Mais mentir, non. Jamais.

PS pour ma fille (Si elle décide de me lire quand elle aura appris à le faire) : T’a pas idée à quelle point tu peut être soûlante des fois. Mais Je t’aime. Et je ne suis pas « un peu » fier de toi. Je suis très fier de toi.