Lorsque j’avais cinq ou six ans, j’ai volé un porte-clef chez ma grand mère. De ma vie, je crois n’avoir jamais eu aussi honte que lorsque j’ai du avoir une explication avec elle à ce sujet. Elle m’a évidement très vite pardonné, mais pourquoi devrait elle oublier ? Moi je n’ai pas oublié, et je ne crois pas avoir volé quoi que ce ce soit d’autre depuis. (Croire, car il semble bien que tout le monde n’a pas la même définition de ce mot 😉
Évidement, assumer un vol de porte clef à six ans, c’est probablement plus facile que d’assumer un viol en réunion, ou que d’avoir renversé une fillette qu’on avait pas vu parce qu’on conduisait bourré.
Mais le principe est le même. On fait une bêtise, on se fait attraper, gronder, éventuellement punir. Ensuite, c’est à nous de comprendre pourquoi ce que l’on a fait est mal (si c’est bien le cas évidement) et d’assumer cette erreur. Et ce sera à tous les autres de nous pardonner et de nous donner une seconde chance. (Et je dit bien UNE, pas dix).
Mais pourquoi devoir oublier ? Qui doit oublier ? Et oublier quoi ? D’où vient ce fameux « droit à l’oubli » qu’on nous rabâche sans cesse actuellement ?
Pour moi aussi au départ, cette idée semblait séduisante. Imaginer des personnes ne pas pouvoir être embauchés à cause d’une erreur de jeunesse, cà à quelque chose de gênant. Mais le problème ici vient plutôt des recruteurs qui ne sont donc pas capables de « pardonner », de comprendre que la personne à pu faire une bêtise à un moment donné, et que cela n’aura aucune incidence sur son travail.
Je vois surtout deux inconvénients majeur au droit à l’oubli. Premièrement, si les erreurs sont réellement « oubliés », alors une personne pourra les commettre de nouveau sans être plus inquiété que si c’était son premier dérapage. Sans vouloir tenir le discours basique du type « Oui la France est trop laxiste, les récidivistes blablabla… » il faut quand même reconnaitre qu’un gars qui est arrêté 4 ou 5 fois (voir beaucoup plus) pour des faits similaires, il y a quand même un problème quelque part. Ensuite, j’ai comme la vague impression que si les hommes politiques sont si attachés à cette notion, c’est peut être un peu parce que c’est eux qui y ont le plus intérêt. Et effectivement, avant l’arrivé du net, je crois que c’est assez hallucinant tout ce qu’on pouvait apprendre et vite oublier sur eux avant l’élection suivante… Le fait qu’il soit de plus en plus aisé de retracer le parcours juridiquement chaotique de nos « élites » serait il l’un des facteurs expliquant la montée de l’abstention et des votes blanc ?
Eric Woerth lui, s’inquiète du fait que les informations publiées peuvent devenir obsolètes, ce qui justifierait donc ce fameux « droit à l’oubli ». Je tiens ici à le rassurer totalement. Si j’écris par exemple aujourd’hui : « Eric Woerth est un connard », il est extrêmement probable que ce sera toujours le cas dans 10 ans. Et si, par un hasard véritablement miraculeux, ça ne l’était plus, il serait toujours possible de corriger ce billet. (Accessoirement, il est beaucoup plus facile de faire des corrections sur le net, que dans un journal papier qui est de toute façon imprimé mais passons sur ce type de détails).
Bien sur, cela n’est vrai que sur le net « classique ». Si nos politiques nous forcent à migrer sur des solutions bien plus robustes à la censure, alors cette possibilité de modification pourrait devenir plus limité. Heureusement, certaines mentalités semble évoluer. Prenez Eric Besson par exemple. Alors qu’il état le premier à appeler à la censure (Wikileaks), il semble avoir compris depuis que ce n’était pas forcément la meilleure façon d’agir. Impressionnant, non ?